Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur l’anxiété grave des feuillages, sur le rêve circonspect des pièces d’eau. L’onde des vasques épuisées stilla, goutte à goutte, dans le silence ; du fond des bassins, une montée d’herbes vivaces s’enlaça, à la surface, autour de solitaires fleurs surnageantes ; les parterres débordèrent dans les allées ; les branches des arbres s’entrecroisèrent au-dessus des avenues ; les lézards verts rampèrent sur les balustres tièdes des terrasses, et, de partout, s’exhala la senteur lourde des végétations. Une sorte de vie surabondante animait le parc désordonné ; les troncs se tordirent en statures presque humaines. Les lièvres apparurent ; les lapins pullulèrent ; des renards montrèrent leur museau fin, leur marche oblique, le panache de leur queue ; des cerfs mirèrent leurs ramures. Les vieux gardes, morts ou perclus, ne détruisaient plus la vermine inoffensive ou carnassière. L’hiver avait brisé les clôtures qui séparaient les jardins de la contrée environnante, singulièrement forestière, choisie par mon père à cause même de sa solitude qui sauvegardait celle de sa retraite. Elle l’entourait d’un prestige d’arbres énormes, de terrains incultes et de lieux inconnus.