Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/276

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bronzées par les reflets d’un crépuscule d’or verdâtre, redoutables et fugitives. L’heure était équivoque : les statues se renfonçaient dans les encoignures du buis ; le silence se crispait bouche à bouche avec l’écho paralysé. Tout à coup, au loin, très loin, là-bas, vibra un cri guttural et réduit par la distance à une perception minuscule et presque intérieure, un cri à la fois bestial et fabuleux. C’était lointain et insolite, comme venu du fond des âges. J’écoutai. Plus rien ; une feuille remuait imperceptiblement au sommet d’un arbre ; un peu d’eau s’écoulait goutte à goutte par une fissure du bassin et humectait le sable alentour ; la nuit tombait ; et il me sembla que quelqu’un riait derrière moi.

Le lendemain, à la même heure, le cri recommença, plus distinct, et je le réentendis presque chaque jour : il se rapprochait. Pendant toute une semaine, il s’était tu, quand encore il éclata, juste à côté de moi, terrible et vibrant, suivi d’un galop brusque : il faisait encore clair, et je vis, penché hors d’un fourré, le torse d’un homme nu et une jambe de cheval qui grattait du sabot le sol de l’allée. Tout dis-