Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

manier davantage l’inutile fardeau plus lourd que la force et plus haut que la stature même de l’homme qui s’y mesure et y succombe.

J’ai pensé longtemps à ce visage, à ce corps qui n’est plus rigide que par l’inflexible armure qui l’accoutre, debout que par l’épée où il s’appuie. Son casque même qui gît auprès de lui montre qu’il n’a pas voulu mourir au moins sous le masque de la visière, donnant aux passants par sa prestance l’illusion d’être tel qu’il semblait, qu’il n’a pas voulu mourir en cette rigoureuse posture de fer dont il a déposé le mensonge s’il n’en a rompu que trop tard l’irréparable envoûtement, qu’il n’a pas voulu mourir sans s’attester soi-même à tous par la nudité véridique de son visage !

Que fut-il dans les âges cet authentique humain dont l’emblème survit à l’apparence de ce qu’il a été ? Les vieilles Chroniques citent son nom et racontent son histoire : celle de ses actes qu’il suffit d’interpréter pour avoir le sens de son âme. Il vécut à un siècle de violence et de ruse. Il y agit par la parole et par l’épée. Il se souilla simplement de toutes les actions humaines sans être ni plus cupide, ni moins brutal que ceux