Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/75

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semblaient d’accord à feindre un réciproque oubli.


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« Madame de Ferlinde était inquiète depuis quelques jours quand elle me fit prier de la venir voir. Je me rendis à son appel et je la trouvai nerveuse et préoccupée. A mes instances pour savoir la cause de son trouble, elle me répondit évasivement, puis finit par m’avouer la transe singulière où elle vivait. Elle me raconta que, chaque nuit, les chiens hurlaient, plus de peur que de colère. Les jardiniers avaient découvert sur le sable des allées des traces de pas. Le gazon piétiné çà et là accusait une présence nocturne et à mon grand étonnement elle me montra une motte de glaise où l’on voyait une empreinte bizarre. C’était une foulée assez nette. En examinant de plus près la marque durcie, j’aperçus, pris dans l’argile, quelques poils jaunes. Un invisible maraudeur semblait hanter le jardin et épier la maison. En vain on posait des pièges, et on essayait des rondes nocturnes. Malgré tout Madame de Ferlinde ne pouvait se défendre d’une appréhension insurmontable. Je raisonnai de mon mieux la belle