Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/88

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La mer déferlait devant moi sur une petite grève molle où les pas marquaient ; quelques barques se tenaient dans une anse, une d’elles consentit à me mener dans l’île ; je m’embarquai, muni d’un porte-manteau et je regardai diminuer peu à peu, immobile, là-bas, avec son gros cocher à livrée verte et ses panneaux peints, mon carrosse dont les chevaux pommelés grattaient du sabot le sable humide où sourdait l’eau de la mer montante.


*


La barque se balançait lentement ; l’eau, autour d’elle, devenait bleue sous le ciel clair. Les vagues enflaient leurs glauques rondeurs ; parfois une crevait en écumes, la plupart bossuaient leur enflure d’une échine invisible. Un profond mouvement intérieur les animait, le mât grinçait. L’ancre encore ruisselante du fond d’où on l’avait tirée crispait ses pinces de crustacée ; elle gisait sur le pont, animale et rugueuse ; des mouettes tournoyaient.

Enfin, apparut à l’horizon une côte, basse d’abord et qui grandit peu à peu. Elle sortait de la mer à mesure que nous approchions ; nous