Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/90

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semblaient à des feuilles mortes, les seules que le vent dispersât jamais autour de cette île sans arbres où je me demandais vraiment ce que m’avait envoyé faire le Prince et où, par l’ennui que j’y ressentais déjà, sa rancune prenait un air de vengeance. Les voiles d’ocre erraient toujours sur la mer violâtre. Des nuées héraldiques blasonnèrent le ciel ; les barques rentrèrent au port en même temps que j’y redescendis, car mon auberge donnait sur le quai et, le soir, remonté dans ma chambre, je les entendis, captives au bassin, geindre sourdement sur les câbles de leurs ancres.


*


Le lendemain, à mon réveil, le ciel fut gris et compact, un vent violent y étirait des nuées courantes, la mer verdâtre blanchissait d’écumes, la poussée des flots harcelait les falaises. Je pris un guide pour me conduire au lieu indiqué où devait se dénouer l’énigme de mon voyage.

L’endroit était une table de pierre située à la pointe sud de l’île. Nous traversâmes d’interminables bruyères : des bandes de moutons noirs y paissaient ; chacun, pour que les troupeaux ne