Page:Régnier - Les Jeux rustiques et divins, 1897, 2e éd.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
145
LES ROSEAUX DE LA FLUTE


AUBE


Sur le cyprès, le cèdre et sur l’eau noire et verte,
Laisse, avec la clef d’or à la porte entr’ouverte,
Les cygnes endormis, les paons et les colombes ;
Écoute, pleur à pleur, l’heure grave qui tombe
Et qui s’égoutte lente ou s’écoule rapide,
Gendre du sablier, larme de la clepsydre ;
Et marche doucement sans réveiller l’écho ;
Laisse les cygnes blancs dormir doubles sur l’eau
Avec leur col neigeux ployé sous l’aile tiède,
En silence, et les paons sur les branches du cèdre
Et la colombe douce aux pointes des cyprès,
Et pars ! tout est muet encor, mais l’air plus frais
De la nuit, peu à peu, frissonne à l’aube proche ;
Laisse la bêche et le râteau, laisse la pioche
Et prends la faulx qui luit en aile d’acier clair,
Et pousse le verrou de la porte de fer,
Et sors vers l’aube pâle et marche vers l’aurore.