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ARÉTHUSE

Plus lourde de ses cheveux roux,
Plus lourde de sa nuque lasse,
Plus lourde de sa pensée lointaine.

Elle pense en dormant des choses que j’ignore
Je ne sais rien de ses pensées…
— La nuit est morte pourtant et voici l’aurore —
À travers son visage une face effacée
Semble me sourire derrière son sourire ;
D’autres lèvres derrière les siennes m’attirent
Et, quand je la regarde en face, je crois voir
Quelqu’un debout en elle et qui est ma Pensée
Au manteau noir !

Sa chair est douce ainsi sur le sable, sa chair
Est belle ainsi sous le ciel pâle et clair
De cette aube où mon âme triste se tourmente
De l’âme qui se cache, hélas ! en cette chair
Douce dans son sommeil et paiement vivante
Et dont je touche
Les yeux clos et les seins et le ventre et la bouche
Et les grands cheveux d’or qui se déroulent,
Sinueux comme une algue et lents comme une houle
Mystérieuse dont écume ce front pur
Que somme leur volute, et dont le poids ruisselle
Somptueusement jusque sur
Le sable roux où dort énigmatique et belle,