Page:Régnier - Les Médailles d’argile, 1903.djvu/112

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Plus haute, plus désespérée,
Et je l’entends.

C’est un bruit d’eau qui souffre et gronde et se lamente
Derrière les arbres sans qu’on la voie,
Calmée ou écumante
Selon que le couchant saigne ou rougeoie,
Se meurt ardent ou s’éteint tiède…

Sans ce grand murmure qui croît ou cesse
Et roule ou berce
Mes heures, chacune, et mes pensées,
Sans lui, cette terre crue
Et crevassée
Que çà et là renfle et bossue
Un tertre jaune où poussent roses
De rares fleurs chétives qui penchent,
Sans lui, ce lieu âpre et morose
D’où je ne vois qu’un horizon pauvre
De solitude et de silence
Serait trop triste à ma pensée

Car je suis seul, vois-tu. Toute la Vie
M’appelle à son passé encor qui rit et crie
Par mille bouches éloquentes
Derrière moi, là-bas, les mains tendues,