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les médailles d’argile


Tout le peuple des morts se presse devant toi,
Impatient de voir celle qui vient de vivre
Et qui, fille d’un dieu, d’un pasteur ou d’un roi,
Paya la drachme d’or ou l’obole de cuivre,

Et d’entre cette foule obscure, peu à peu,
Voici surgir pour toi des Ombres reconnues,
Et l’airain bombe encor les torses musculeux,
Et des glaives, là-bas, luisent dans les mains nues.

Vois. Sous l’armure hellène et le casque troyen
Tous ceux que le dur fer a couché sur la plaine,
Jadis, et dont plus d’un peut-être se souvient
Que son sang a rougi la sandale d’Hélène.

Ô terreur ! vois saigner et se rouvrir encor,
En leur plaie éternelle et que rien n’a fermée,
Le talon nu d’Achille et la gorge d’Hector.
C’est Hécube parmi la cendre et la fumée ;

Laocoon se dresse, arrachant de ses reins
Le serpent qui s’y noue et le mord à la cuisse ;
Andromaque sourit à son fils qu’elle étreint ;
Voici le vieux Priam et le subtil Ulysse ;