Page:Régnier - Les Médailles d’argile, 1903.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
les médailles d’argile

L’allée est large et claire et douce
Et si vous marchez sur sa mousse
Le silence ira avec vous,
Comme il est venu avec moi,
Jusqu’au miroir où l’on se voit
À soi-même sa Destinée.

C’est un bassin où dort depuis que tu es née
Une eau mélancolique en un marbre fidèle.
Pas une goutte ne s’est perdue,
L’onde est intacte, toute, et telle
Que le Temps l’amassa jusques à ta venue,
Et auprès d’elle
Se tiennent debout deux statues,
Ailées et nues,
Et toutes deux qui sont l’Amour
Mais l’une va sourire et l’autre va pleurer,
Approche-toi, viens te mirer
À ton Destin.
Le clair miroir est incertain.
Si tu t’y entrevois en pleurs ou souriante,
Ta bouche trouvera celle qui lui ressemble
Et son baiser t’attend aux lèvres de la vie…

Et dans l’eau du bassin le double Amour t’épie.