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LA DOUBLE MAÎTRESSE

tions. Le jardin était désert. Le vieux jardinier Hilaire y rôdait seul. Le bonhomme sarclait ou râtissait. Le potager soigné le matin, l’après-midi il promenait son râteau devant les fenêtres du château. On était d’ailleurs averti de sa présence par l’aigre bruit de son travail. De plus, il détestait assez Mme de Galandot à cause de l’abandon où elle laissait les jardins et il vénérait la seule mémoire de feu M. le comte. Il ne tarissait pas en éloges sur l’ancien train du château, si diminué aujourd’hui, tellement que Mme la comtesse leur ferait à tous couper la gorge, à vouloir habiter avec si peu de monde une grande bâtisse, assez loin du village pour qu’on n’entendît pas crier au secours.

Quant à Mme de Galandot, elle sortait de moins en moins de son appartement. La messe du dimanche et rien de plus. Quoique se portant fort bien et s’étant toujours bien portée, elle donnait dans la maladie imaginaire, craignant le froid, le chaud, la pluie, le soleil et le vent. Cette méfiance naturelle s’accroissait avec l’âge jusqu’à devenir une sorte de manie qui lui faisait redouter l’approche des gens à cause des épidémies qu’ils peuvent communiquer, même à leur insu, s’ils en apportent avec eux les miasmes sans en avoir les principes. Aussi refusait-elle de recevoir le curé qui, par métier, visite les malades. Quand le notaire venait de la ville pour quelque affaire — Me Le Vasseur, habile homme, en qui elle avait confiance, en traitait pour elle d’importantes — elle lui faisait jurer qu’il n’eût pas récemment, au