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LA DOUBLE MAÎTRESSE

d’autres dussent sans doute en recueillir le fruit.

Le carrosse qui emmenait Mlle de Mausseuil chez Mme de Galandot se mit juste en route le matin même où le Royal-Lorraine se mettait en marche, de telle sorte qu’à une croisée de routes on rencontra le régiment. Il fallut donc attendre qu’il fût passé pour continuer le voyage. Les escadrons faisaient grand bruit dans la campagne matinale. Les timbaliers alternaient avec les fifres et les trompettes. Le pas sec des chevaux sonnait sur les cailloux. Parfois une des juments hennissait à l’un des gros percherons du carrosse. Le colonel, qui avait reconnu M. du Fresnay, le vint saluer à la portière. M. de Vidrecourt refit à Julie le même compliment que le soir du bal. Le brave marquis était peu varié et le répétait à toutes les femmes, s’en étant bien trouvé une fois et jugeant depuis lors inutile de se mettre à de nouveaux frais.

Julie regardait défiler les compagnies. Les maîtres avaient bonne figure sur leurs chevaux unis ou pommelés. Les boutons d’argent brillaient au soleil, sur le drap bleu à revers aurore. Les petits sacs de veau verni, vulgairement appelés crapauds et qui contenaient les cheveux en leurs bourses de cuir tressautaient sur les nuques hâlées. Les chapeaux à quatre cornes coiffaient des figures martiales. Elle souriait aux officiers avec lesquels elle avait dansé, à mesure qu’ils passaient.

Portebize vint en queue, car Gros Ami commandait la dernière compagnie, et il s’approcha à son tour du carrosse en faisant caracoler son beau cheval rouan. Julie vit une fois encore sa large figure