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LA DOUBLE MAÎTRESSE

déjà à sa fin. Mme de Galandot les en avertit un jour d’un air sournois en feuilletant un almanach. Sa mauvaise humeur contre Julie avait redoublé. Il ne se passait guère de repas qu’elle ne lui infligeât quelque avanie et elle en suivait l’effet sur son fils d’un air curieux.

La vérité est que le vieux jardinier, furieux du ravage de ses roses, s’était plaint à Mme de Galandot de cette déprédation, tout en rejetant la faute sur Mlle Julie, qui faisait faire à M. Nicolas tout ce qu’elle voulait, le pauvre jeune maître étant faible et plus doux qu’un agneau. Ce propos éveilla la jalousie de Mme de Galandot, non qu’elle soupçonnât rien de ce qui se passait réellement ; mais l’idée que Nicolas eût quelque bonté pour sa cousine l’irritait singulièrement. Aussi se promit-elle d’en avoir le cœur net. D’ailleurs, elle était particulièrement irritable à ce moment. Ses urines lui paraissaient, en leurs panses de verre, mauvaises et sablonneuses.

À cela se joignait encore la contrariété qu’elle avait éprouvée en apprenant que sa sœur, Mlle Armande de Mausseuil, qu’on tenait enfermée à Bas-le-Pré, avait trompé la surveillance et s’était échappée à travers champs. La folle, en effet, avait disparu sans qu’on pût savoir où et Mme de Galandot ressentit grande honte à apprendre que le curé de Noircourt-les-Trois-Fontaines l’avait trouvée, en venant dire sa messe, le matin, accroupie, la jupe troussée, dans la cuve du bénitier où elle mêlait des eaux qui n’avaient rien de bénites, et d’où on eut toutes les peines du monde à la faire sortir pour