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XIII


Alors Nicolas de Galandot, ahuri et effondré, assista au terrible spectacle de sa mère forcenée et furieuse. Ce furent d’abord des hoquets de colère, des grondements sans suite, avec des gestes d’énergumène, puis, du volcan de cette fureur, jaillirent des jurements et des apostrophes plus distincts et des mots qu’il ne comprenait pas et qui le terrifiaient d’autant plus.

Quarante ans de décence, d’orgueil et de bon ordre s’écroulaient en ce bouleversement inattendu qui mettait à la bouche de la vieille femme un langage qu’on eût imaginé à peine aux pires harengères et aux dernières des gueuses. Cela lui montait du fond de la mémoire comme une marée d’ordures qui écumait à ses lèvres sa boue saumâtre et corrompue.

C’était la langue qu’elle avait entendu parler à Bas-le-Pré par son père et par son frère, dans les plus laides disputes qui les mettaient aux prises brutalement et dont ils éclaboussaient tout autour d’eux. Le vieux Mausseuil ne se retenait guère pour gourmander devant ses filles leur ivrogne de frère et le réprimander de ses débauches. Il le fai-