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LA DOUBLE MAÎTRESSE

yeux. Un troisième vint se poser auprès des deux premiers.

Tout à coup, ils s’envolèrent de concert comme si on les avait troublés. Nicolas entendit un bruit de roues, le grelot d’un attelage paysan qu’il ne voyait pas. La voiture devait être arrêtée dans un autre coin de la cour. Un bruit de sabots râclait parfois le pavé, une sonnette tintait. Les pigeons reparurent, ils étaient en nombre et picoraient activement ; puis ils se groupèrent et s’envolèrent ensemble d’une seule bouffée. L’angle de pavés resta vide sous le soleil.

Nicolas de Galandot s’agitait. Ses larmes recommençaient à couler sur sa longue figure. Julie traversa d’un pas alerte le petit espace découvert. Il distinguait parfaitement ses traits. Il revit sa figure insouciante et fraîche. Elle était habillée comme la veille. Hilaire la suivait. Elle disparut, un grelot sonna, des roues grincèrent, un coup de fouet retentit dont Nicolas crut ressentir au visage la cinglante lanière.

Il passa la journée à la fenêtre sans quitter des yeux ce petit angle de la cour pavée où il venait de voir Julie pour la dernière fois. Il ne toucha à aucun des repas qu’on lui servit sur la table de mosaïque et resta trois jours enfermé dans la bibliothèque.

Le soir du troisième jour, Hilaire vint le chercher et le conduisit, sans mot dire, dans l’appartement de Mme de Galandot où la vieille servante lui recommanda d’entrer doucement. Sa mère était au lit. Elle le regarda sans le reconnaître,