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LA DOUBLE MAÎTRESSE

place. Il traversa la droguerie. Les bottes d’herbes sèches s’émiettaient au plafond et tombaient en poudre. Les flacons, les fioles, les bouteilles grisonnaient sous la poussière. L’encre des étiquettes s’effaçait jaunie. Une odeur officinale prenait à la gorge.

Dans la bibliothèque où il passait ordinairement les journées, il s’assit sur le fauteuil et resta près d’une heure immobile ; puis il se leva, ferma un livre ouvert qu’il remit à son rang. La basque de son habit frôla en passant l’angle de la table de mosaïque. Il sortit, ferma la porte et descendit l’escalier.

Il descendait lentement, marche par marche, une main à la rampe de fer forgé, l’autre portant l’ample trousseau. Dans le vestibule, il prit sa canne, se coiffa. Une fois dehors, il tira à lui le lourd battant. La grosse clef grinça.

Il les tenait toutes maintenant à sa main. Chacune enfermait un peu de son passé ; elles étaient toutes là, petites ou grandes, polies ou rouillées ; une seule y manquait qu’il n’avait sans doute pas osé aller prendre à sa serrure, au bout du corridor, celle de la chambre où avait dormi Julie de Mausseuil…

M. de Galandot fit à pied les cinq lieues qui séparent Pont-aux-Belles de la ville. Il y arriva vers le soir et heurta droit à la porte de Me Le Vasseur, avec qui il s’entretint en secret et assez longuement. La poste pour Paris passait vers neuf heures. Il monta dans la rotonde, s’assit, mit sa canne entre ses jambes, croisa ses mains sur