Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
195
LA DOUBLE MAÎTRESSE

avoir l’air, un rien de mon bras nu et un peu de mon épaule découverte.

— Vous parlez bien, Fanchon, et en fille sage et avisée, dit en riant M. de Portebize, et je vois que M. Hubertet peut compter sur votre esprit comme sur votre cœur. L’un et l’autre sont bons ; mais, si heureux que M. l’abbé puisse être de votre compagnie, il ne s’en absente pas moins quelquefois, si j’en juge par aujourd’hui, et vous laisse seule comme je vous ai trouvée. À quoi pouvez-vous bien occuper vos journées ?

— Mais je danse, Monsieur.

— Vous dansez, fort bien, mademoiselle Fanchon, mais qui donc vous fait vis-à-vis ? Vous avez un amoureux et l’abbé paye les violons. »

Mlle Fanchon se mit à rire si franchement et si fort que M. de Portebize, sûr au moins de ne point l’avoir offensée, ne se voyait pas loin de se sentir mortifié de cette gaieté.

— « Que non, Monsieur ! vous n’y êtes guère et ce n’est point ce que vous pensez. Pour tout vous dire, M. l’abbé aime la danse. Il va souvent à l’Opéra et a pris l’ambition de m’y voir un jour faire figure. Pour m’en donner les talents, il m’a fourni les meilleurs maîtres, et leurs leçons m’ont profité. Ils vantent mes progrès et, déjà maintenant, on me confie des entrées et des petits rôles. Mlle Damberville, à la prière de M. Hubertet, a bien voulu m’aider de ses conseils. Je ne cesse de travailler pour mériter l’intérêt qu’elle me témoigne et pour plaire à M. Hubertet. Il aime la danse, et il fait bon d’entendre, Monsieur, les belles choses qu’il en dit. »