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LA DOUBLE MAÎTRESSE

Nanette ne répondait rien. Elle tira la langue et la rentra juste pour recevoir sur la joue le soufflet qu’y appliqua la main leste de Mlle Fanchon.

Nanette pleurnichait.

— « Maintenant, donne ton nez, dit Mlle Fanchon, devenue subitement maternelle, qui tira son mouchoir et moucha la morveuse, et déguerpis ! »

Nanette dégringola l’escalier ; on entendit s’éloigner le galop de ses gros souliers.

— « Elle est méchante, Monsieur, et n’en fait jamais d’autres et, avec cela, sournoise. M. l’abbé a voulu l’envoyer à l’école. Ah ! bien oui, elle apportait du crottin dans son panier pour empester la classe. Elle passe ses journées dans la cour ou sur la porte. Elle ne rit que quand elle voit un boiteux ou un bossu ou un cheval qui tombe ou un chien battu. Elle fait la nique aux passants. Alors on la gifle. Elle aime cela. Elle tire des taloches de tout le monde. On finit par les lui donner comme une aumône. M. l’abbé Hubertet lui-même lui en accorde quelques-unes et, comme vous voyez, j’achève le nombre de celles qu’elle reçoit et qui, quoi qu’on fasse, ne dépasse pas celui de celles qu’elle mérite.

— Elle aura du bâton de ma part, dit M. de Portebize en reprenant sa canne qu’il avait posée dans un coin. D’autant plus que je me souviens fort bien maintenant lui avoir vu aux doigts cette lettre qui m’eût évité de vous importuner si longtemps, Mademoiselle, et qui m’eût permis de suite de vous prier de dire à M. l’abbé Hubertet mon regret de l’avoir manqué. »