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LA DOUBLE MAÎTRESSE

la malechance d’avoir à s’enrichir et la chance de devenir riche. »

Le fait est que le marquis de Bercherolles ne conservait rien de son ancien métier. Il se montrait gentilhomme accompli, fastueux et magnifique. Il exprimait avec grâce et mesure des pensées délicates et raisonnables qui lui composaient une sorte d’éloquence aisée. Il montrait un goût éclairé des Lettres et des Arts. Sa générosité tenait bourse ouverte et table servie, et on eût juré qu’il n’avait jamais fait autre chose que rendre service aux gens, car il se comportait en tout avec une grandeur et une décence qui lui valaient tous les suffrages et détruisaient les préjugés qu’on eût pu conserver à son égard. Aussi M. de Portebize se sentit-il, dès l’abord, attiré vers lui, et Gurcy dut le tirer par la manche vers M. de Saint-Bérain qui restait le dernier et dont les petits vers et les madrigaux rendaient le nom familier à quiconque se piquait d’être du monde.

— « Gurcy, vous oubliez l’abbé, dit Mlle Damberville.

— Il me semble plutôt que l’abbé nous oublie, répondit M. de Saint-Bérain, car il dort comme à l’église quand il est dans un des temples de l’amour. »

M. de Portebize vit alors, dans un coin du salon, un vieil et gros abbé qui, assis dans un vaste fauteuil qu’il remplissait de sa corpulence béate, dormait profondément, les mains croisées sur son ventre. Ses mentons débordaient sur son rabat et toute sa personne donnait l’idée de la satisfaction