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LA DOUBLE MAÎTRESSE

en une beauté aiguë et scintillante comme un flocon qui prendrait tout à coup les arêtes nettes du diamant.

M. de Parmesnil l’examinait du haut de sa froideur circonspecte. M. Garonard la regardait du coin de son œil alerte. M. de Saint-Bérain souriait à belles dents. La bouche de M. de Clairsilly faisait des moues, et M. de Bercherolles, épanoui et nonchalant, s’appuyait au dossier de sa chaise. Il s’était répandu sur les convives une sorte d’aise commune, une disposition heureuse et comme une entente réciproque à goûter le plaisir de cette heure passagère, qui mêlerait à l’agrément des pensées et des paroles l’épice des sauces et le bouquet des vins.

L’abbé Hubertet était superbe à voir. Une bonhomie sensuelle et gaie animait sa large face, un mélange de gourmandise et de contentement gonflait sa grosse bouche. On le sentait vraiment joyeux d’être là et nullement étonné de s’y trouver et qu’on l’y trouvât. Il savait que les sages de tous les temps n’ont jamais méprisé le plaisir de déraisonner en commun et il s’apprêtait à prendre part à la conversation d’esprits assez divers pour que leur contact fût fertile en surprises et abondant en écarts curieux.

On n’en était encore qu’aux bisques. Un service discret assurait la liberté des propos. Chacun pour l’instant ressentait le velouté du potage. Le chevalier de Gurcy eut fini le premier son assiette. Le chevalier, fort grand, fort gros, fort robuste de membres, avait un terrible appétit. Il fallait