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LA DOUBLE MAÎTRESSE

pourtant, je l’espère, suffi à M. de Portebize pour me dispenser d’intervenir en cette affaire.

— Vous vous étonnez sans doute, Monsieur, reprit Mlle Damberville, de voir ici l’abbé en notre compagnie. C’est là une situation au moins singulière pour un homme de son âge et de son caractère, et, si les vôtres s’y accommodent tout naturellement, les siens, par contre, s’y ajustent assez mal. Vous voulez bien ne marquer aucune surprise à le trouver là, mais vous ne sauriez sans doute ne pas en ressentir quelque étonnement. Allons ! l’abbé, laissez qu’on vous explique à Monsieur. Ne faites pas le gros dos et tenez-vous en paix. Regardez-le donc bien, Monsieur ; voyez le contentement jovial de toute sa personne. Croiriez-vous, à le voir ainsi, que ce savant homme ait fait jamais autre chose que ce qu’il va faire maintenant ? Cette bouteille de bourgogne l’attire et il en prend comme un reflet sur son visage. La gorge de Mlle Varaucourt, qui l’a fort belle, ne lui fait pas détourner les yeux. Et pourtant, Monsieur, il a des mœurs.

— Et Fanchon ? » cria de sa voix de fausset M. de Clairsilly.

L’abbé Hubertet reposa son verre et s’agita sur sa chaise. Sa figure exprimait une colère comique et il remuait ses grosses mains molles et jaunes.

— « Oui, Monsieur, continua sans pitié M. de Clairsilly, si vous allez chez notre abbé, au lieu d’une gouvernante respectable qui soigne ses gouttes et lui prépare des tisanes, vous trouverez là une fillette de quinze ans qui viendra vous