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LA DOUBLE MAÎTRESSE

— Certes oui, et d’autant plus que le hasard m’a donné l’honneur de connaître Mlle Fanchon. Elle est jolie et elle a poussé la bonne grâce jusqu’à me montrer, l’autre jour, en votre absence, une heure durant, les beautés de votre cabinet. Elle m’a conté l’histoire du gros chien et du pot au lait.

— Comment, Monsieur, s’écria l’abbé avec un grand rire, vous êtes le jeune gentilhomme dont Fanchon ne cesse de parler et qui paraissait tant prendre d’intérêt à mes médailles et à mes antiques ? Ce beau goût, Monsieur, double mon estime pour vous et je ne pensais guère que cet amateur inconnu fût le propre petit-neveu de ce pauvre M. de Galandot que j’ai fort pratiqué dans le temps. Mais Fanchon avait oublié votre nom. La petite peste a de ces méprises. Excusez-en sa jeunesse.

— Prenez-y garde, abbé ! dit M. de Bercherolles. L’Opéra donne de l’esprit aux filles. On vous soufflera ce bijou. Une petite maison est bien vite meublée.

— Eh bien ! Monsieur, j’aurai là un endroit à aller souper. Ma vieillesse n’est point jalouse et je n’ai jamais prétendu que Fanchon ne fît pas le bonheur d’un galant homme. »

On rit et l’abbé avec les autres. Il posa un coude sur la table, tandis qu’un laquais chargeait son assiette d’une aile de volaille.

— « Et où serait le mal ? continuait l’abbé. Supposez que Fanchon eût grandi chez ses parents qui étaient de pauvres gens ; échapperait-elle au sort commun des filles, un mari niais ou brutal ou