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LA DOUBLE MAÎTRESSE

dit-on, l’un et l’autre, une jeunesse fort en femmes, et la vôtre s’annonce comme pour devoir égaler la leur, et tout porte à croire que les suites de leurs destinées sont le présage, Monsieur, de ce que pourront être les vôtres. »

Tout en parlant, M. Laverdon avait préparé ses peignes et ses houppes. M. de Portebize s’était assis à sa toilette.

— « Et le pis est, Laverdon, que cette Meilhenc, troubla par sa présence importune l’image voluptueuse qui occupait ma pensée. Je rêvais justement au plus charmant objet que la terre ait porté et pour qui je brûle depuis que je l’ai vu. »

Et M. de Portebize, pendant que M. de Laverdon le poudrait à tour de bras, le nez plongé dans le cornet de carton, voyait, tout au fond, se dessiner, comme par magie, une figure dansante, qui y apparaissait dans l’éloignement, mais si précise et si nette que son cœur en battait ; et la fraîche et vive image de Mlle Fanchon lui faisait oublier le sourire de Mlle Damberville et les larmes de Mme de Meilhenc. Il les regardait disparaître peu à peu de son esprit, diminuer, se rapetisser, s’éloigner, en même temps que s’effaçait le visage vermeil de M. de Bercherolles, le profil anguleux de M. de Parmesnil, la face rubiconde de l’abbé Hubertet, la silhouette de M. de Clairsilly, la tournure de M. Garonard, l’énorme prestance de M. Thomas Tobyson de Tottenwood et la figure, un instant entrevue, du bon oncle Galandot, un pauvre homme après tout et qui, comme disait avec pitié M. Laverdon, n’avait jamais dû se faire coiffer.