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LA DOUBLE MAÎTRESSE

quelque chose de la joie dissimulée de sa fille, y voyait celle de le quitter et s’en plaignait amèrement. L’aînée des deux demoiselles de Mausseuil, enragée de la préférence qui favorisait sa cadette, ne cessait de la tourmenter de sa jalousie vindicative et pensa mourir d’envie et de colère rentrée quand on apporta les parures que le comte, par amour et par ostentation, offrit fort riches et dont elle gâta méchamment l’une des plus belles en y répandant l’huile d’une lampe qu’elle en approcha sous prétexte de mieux examiner le grain de l’étoffe. C’était une magnifique soie à ramages, qui se trouva perdue par cette laide malice. Il arriva de même malheur à un flacon précieux qu’Hubert de Mausseuil, qui le touchait, laissa choir sur la dalle, de ses mains avinées.

Jacqueline, d’ailleurs, fuyait son frère avec une horreur manifeste et évitait même de lui parler, ce que, brutal et hautain, il n’eût pas souffert, si sa sœur n’avait eu quelque bonne raison à ce mépris public qu’elle faisait de lui et qu’il supportait d’elle sans rien dire et en courbant le dos sous l’avanie.

Enfin le mariage eut lieu.

M. de Mausseuil conduisit sa fille à l’autel avec son plus sournois sourire. Quant au frère, il entra à l’église tellement ivre qu’il n’en put ressortir sur ses jambes et resta à son banc, accablé de vin et pris d’un si épais sommeil que les archets des violons, le branle des cloches et les pétarades de la mousqueterie ne parvinrent pas à l’éveiller.

Les noces à peine accomplies, la nouvelle com-