Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/293

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Il les interpellait, leur répondait et les écoutait. M. de Galandot ne mettait pas moins à l’entendre d’attention que cette muette et permanente assemblée. Une fois assis sur sa chaise, la canne entre les genoux, comme il n’y manquait pas à chacune de ses visites qui devinrent presque quotidiennes, il était tout oreilles, et Cozzoli pouvait les lui rabattre de toutes les fadaises qu’il voulait.

On était presque toujours sûr de trouver là le bavard tailleur qui ne s’absentait guère que pour se fournir chez les drapiers et les passementiers des objets nécessaires à son travail ou pour aller prendre mesure à quelque client d’importance, car il était habile dans son métier et la pratique ne lui manquait pas. Il ne fallait rien moins que ces occasions pour lui décroiser les jambes de sur sa table cirée par l’usage. Cozzoli debout se trouvait fort embarrassé et presque penaud de se montrer avec de courtes jambes, un buste long et une grosse tête ébouriffée aux yeux vifs. Il ne se sentait vraiment lui-même que sur sa sellette, le dé et l’aiguille aux doigts. Une fois installé, il parlait. Aux endroits intéressants, il s’arrêtait, l’aiguille levée.

L’attention et le crédit que lui prêtait M. de Galandot le rendaient assez fier. Cozzoli savait un nombre de choses incroyable sans qu’on sût au juste comment et d’où il les avait apprises. C’était à croire que le petit homme eût assisté par quelque procédé de magie au conseil des princes, aux secrets des grands et aux pensées de chacun, tant il mettait à ses histoires de particularités probantes et