Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/313

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Elle partageait loyalement ses gains avec un compagnon qui ne la quittait guère. Orphelin et mendiant comme elle, il s’appelait Angiolino. Il avait un an de plus qu’elle et ils faisaient ménage ensemble. Inséparables et querelleurs, ils n’allaient pas l’un sans l’autre. Du reste, Angiolino la battait, lui volait son argent. Elle trépignait, pleurait et finissait par consentir à tout ce que voulait ce vaurien. Il était pâlot et joli.

Cependant Lucia grandissait. Une dame romaine la remarqua à la sortie d’une église. Lucia était accroupie sur une marche et sanglotait. Angiolino, dans une querelle, l’avait cruellement maltraitée ; aussi consentit-elle à suivre sa protectrice qui lui promit mainte douceur. Mme Piétragrita habitait une maison fort propre et silencieuse. Le plus grand ordre y régnait. Mme Piétragrita passait pour pieuse et charitable. Elle était bien vue du clergé de sa paroisse. Elle traita Lucia le mieux du monde, la décrassa, la vêtit, lui fit enseigner à lire et à chanter et certains soins du corps qu’elle ignorait. Puis, un beau jour, une fois à point, elle la vendit au cardinal Lamparelli. Le cardinal aimait la jeunesse et Mme Piétragrita l’en pourvoyait discrètement.

Le palais Lamparelli était situé parmi de beaux jardins dans le quartier du Mont Viminale. Ce fut dans un pavillon au bout de ses jardins que Lucia fut introduite. Mme Piétragrita la conduisit elle-même jusqu’à la petite porte basse qui s’ouvrait dans le mur d’enclos et la remit aux mains d’un valet à mine de sous-diacre qui la guida jusqu’au pavil-