Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/329

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aplatir son petit disque doré. M. de Galandot se baissa pour le ramasser. Sa longue personne dégingandée se cassa en deux comiquement. Cela fait, il se dirigea vers le vestibule.

Le jour était venu complètement. Le soleil brillait dans les vapeurs matinales. M. de Galandot sortit de la villa. Il resta un instant debout au haut de l’escalier dont la double rampe descendait dans la cour. Rome s’éveillait délicieusement dans le matin, toute rose et rousse, familière et monumentale dans cette tendre et noble lumière. Sur le toit écaillé et blanchi de la vieille chaise de poste, des pigeons roucoulaient doucement ; de temps à autre, l’un d’eux s’envolait dans une bouffée de plumes chatoyantes. Un grand coq perché dans le cadre de la portière ouverte se tenait sur une patte ; sa crête molle et rouge oscillait. Il ne restait plus rien de la nuit que les deux petites chauves-souris que M. de Galandot avait aperçues en passant par la salle à manger où, blotties à un angle du plafond, elles pendaient, les ailes repliées, comme deux fruits nocturnes, deux gourdes à ténèbres saoules de l’ombre qu’elles avaient bue.

Au bas de l’escalier, M. de Galandot traversa la cour et sortit à pas rapides. Peu à peu, l’or qui alourdissait ses poches ralentit sa marche. Le Tibre, qu’il passa, coulait d’une eau fluide et huileuse. Sur une place se tenait un marché. Deux bœufs à longues cornes courbes, attelés à un char, mugirent doucement et sourdement. Dans une rue à peu près déserte, M. de Galandot