Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/364

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des scabellons se dressaient des bustes de bronze. Devant ces durs regards de métal, M. de Galandot, comme s’il eût reconnu ces faces impériales et consulaires si souvent jadis maniées par lui aux effigies des médailles, redressa un instant sa haute taille courbée, mais la caisse avec ses soubresauts et ses secousses tirait sur son poignet fatigué. Une porte s’ouvrit sur les jardins.

Une terrasse à balustre, ornée de vases et de statues, les dominait. En contre-bas, les arabesques du buis entouraient la quadrature des parterres. Des bassins miroitaient. À gauche, au fond, sous des pins, on distinguait un pavillon de pierre. Le valet, d’une tape dans le dos et la main étendue, fit signe à M. de Galandot que c’était par là qu’il devait aller.

Le cardinal Lamparelli était effondré plutôt qu’assis dans un grand fauteuil de bois doré recouvert d’un damas écarlate. Sous sa robe de moire pourpre, on devinait son corps rachitique et noueux, aux membres grêles, que surmontait une petite tête parcheminée dont le crâne chauve arrondissait à son sommet une calotte rouge. Ses mains ratatinées et griffues grimaçaient fébrilement en leur contracture crispée. Elles étaient, comme la face, couleur d’amadou et de feuilles mortes. Dans ce visage sec, il n’y avait d’humides que les yeux et la bouche d’où découlait continuellement une lente salive qu’essuyait avec soin un grand laquais posté, debout, au dossier du siège. Parfois, par inattention ou par dégoût, il tardait à sa fonction, et le vieillard tournait alors la tête vers lui, une