Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/366

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d’espèces différentes, étaient tous uniformément vêtus de rouge. Ils portaient des robes écarlates qui s’entr’ouvraient sur des petites culottes fort bien faites, serrées à mi-jambes. Quelques-uns étaient coiffés de barrettes pourpres. D’autres, nu-tête, avaient, pendus à plat dans le dos et retenus autour du cou par une cordelière, des chapeaux cramoisis.

Tout ce petit monde ambigu, grotesque et mélancolique, montrait des visages hargneux ou mornes, presque humains en leur caricature à peine animale. Il y en avait de pygmées, empêtrés dans leurs robes, avec des faces poilues à joues bleuâtres. Certains semblaient extrêmement vieux. Des bésicles naturelles, faites de poils noirs, cerclaient leurs yeux enfoncés sous le surplomb de fronts bombés. Plusieurs offraient, au milieu d’une face plate, des nez camards aux narines dilatées et roses. Quelques-uns gonflaient leurs bajoues flasques. Ceux-ci, tonsurés en rond comme des frères mendiants, ceux-là chevelus, avec des barbes biscornues ou entièrement glabres. Tous avaient l’air oisifs, ennuyés et malfaisants, les yeux vitreux ou pétillants, les regards sournois ou hardis. Un, aveugle, écarquillait deux taies blanches.

Plusieurs, accroupis en rond, au centre de la vaste cage, s’observaient avec une gravité narquoise, tandis que deux d’entre eux se triaient, tour à tour, leur vermine en la faisant craquer sous l’ongle avant de se l’offrir réciproquement, avec cérémonie et délicatesse, pour régal.