Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/391

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à rouleaux, sa figure sanguine, sa corpulence, ses larges pieds chaussés d’énormes souliers et son vaste habit cramoisi lui firent une forte impression. L’Anglais avait pris ses quartiers chez la signora. Il était généreux et bizarre ; on en parlait beaucoup à l’office. Jacopo, qui l’avait vu au lit, racontait qu’il y tenait une place formidable et l’emplissait tout entier d’un amas de chair musculeuse et blanche, et qu’à chaque mouvement le bois craquait sous le poids du gigantesque personnage. M. de Galandot fut appelé à en juger par lui-même, car, un matin, Jacopo ayant été pris de fièvre, ce fut lui qui dut le remplacer et aller chercher l’habit et les souliers du milord pour les mettre en ordre. Il entra sur la pointe des pieds et ressortit de même, sans avoir rien vu, comme s’il eût à pénétrer dans la chambre de l’Ogre.

M. de Galandot aidait la Romagnole à mettre à la broche une poularde grasse pour le souper quand Angiolino parut subitement à l’office. Il s’approcha avec politesse du vieux gentilhomme et le pria avec force prévenances inusitées de vouloir bien le suivre dans la galerie où on les attendait tous deux. Le trouble de M. de Galandot fut d’autant plus grand qu’Angiolino le fit passer devant lui et lui céda le pas.

Ils trouvèrent là M. Tobyson de Tottenwood qui, à leur approche, se leva du fauteuil où il était assis et salua gravement. M. de Galandot, pour ne point demeurer en reste, répondit au salut de l’Anglais par des révérences à la française dont la cérémonie contrastait singulièrement avec la souquenille ver-