Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/410

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Un souffle inégal haletait maintenant derrière la porte, tantôt imperceptible, tantôt gros et ronflant. Intermittent, il bourdonnait comme une mouche ou grinçait comme une poulie.

— « Allons-nous en ! » chuchota Angiolino.

Olympia sans répondre ouvrit la porte.

La chambre était vaste et pleine de ténèbres que la chandelle tenue haut ne parvenait pas à éclairer jusqu’au fond. Les murs nus, crépis à la chaux, semblaient avoir la chair de poule. Le plafond bas était traversé de grosses poutres. À des clous pendaient des bouquets d’oignons, des grappes d’aulx, des paquets d’herbes. À terre, gisaient des cruches cassées, des poteries en morceaux. Dans les coins, des meubles de rebut. Sur un vieux fauteuil boiteux était déposé l’habit pistache de M. de Galandot, lamentable et humide encore de la douche de Frascati, avec ses manches distendues, ses basques recroquevillées, ses broderies ternies, avec je ne sais quoi de saumâtre et de spongieux. Au dossier du fauteuil, la grosse perruque s’étalait, morne, comme une tête sans visage. Tout cela formait une dépouille hétéroclite, bizarre et déjà funèbre.

Le lit où gisait M. de Galandot consistait en une paillasse jetée sur un tréteau bas. Le moribond était couché sur le dos, les mains au drap qu’elles ramenaient en s’y crispant. Dans la face terreuse et durcie, la bouche s’ouvrait péniblement, tandis que les yeux restaient clos. Le crâne chauve luisait comme une cire rance ; quelques longues mèches de cheveux gris ramenés de derrière les oreilles