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LA DOUBLE MAÎTRESSE

sique et spirituel. Souvent il demeurait le plus long de ses journées dans l’appartement où Mme de Galandot se retirait d’ordinaire pour travailler, réfléchir et prier. C’est en son unique et sévère compagnie qu’il grandit, occupé à ce qui se faisait entre ces quatre murs et sans relations avec le dehors dont presque vraiment rien ne parvenait jusqu’à lui.

Il n’avait, du reste, aucun moyen qui l’aidât à s’imaginer ce qui dépassait sa vue immédiate. Aussi pensait-il assez naturellement que tout le monde vivait comme lui et que toute vie consistait comme la sienne, à se lever à des heures réglées, à s’habiller honnêtement, à se conduire avec décence et monotonie, à prier Dieu et, en définitive, à être heureux. Non qu’il fût dépourvu d’intelligence, mais elle s’était exercée sur des faits sans importance et toujours les mêmes et que leur répétition ininterrompue avait comme soudés en un seul autour duquel il tournait continuellement en cercle.

On l’avait restreint et il s’en tenait là sans impatience ni curiosité. Poli et doux, il demeurait borné à la pratique d’une existence sans imprévu et sans désirs. Il se suffisait de très peu ; il ne se connaissait pas de souvenirs, rien n’ayant changé en lui ni autour de lui. Aucune de ces joies ou de ces douleurs enfantines qui craquèlent l’âme de secrètes fissures et qui sont plus tard la source de nos goûts et de nos sentiments.

L’abbé Hubertet discerna vite tout cela, et, quand il voyait, des fenêtres de la bibliothèque, Nicolas