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LA DOUBLE MAÎTRESSE

troubles et que maux. Non, mon fils ne se mariera point par caprice. Certes, je l’ai prémuni contre les erreurs et les entraînements du corps, mais son jeune âge l’y rend encore trop sujet pour que j’en hasarde le dé. Plus tard, oui, plus tard, quand la raison occupera dans son esprit la place que j’y ai préparée par la religion et la vertu, il pourra choisir avec mon aide la compagne de sa vie qui, maintenant, ne saurait être que l’instrument de ses plaisirs. Il n’obéira plus alors dans son choix à l’ardeur du sang et à l’intempérance du désir ; mais, en attendant, mon cher abbé, je ne veux pas consentir que le couvert et la garantie d’un sacrement servent à protéger les excès de la nature ni faire de l’Église un prétexte à de toutes charnelles convoitises. »

Elle se tut et regarda par la portière. La voiture tournait à une croix de route ; on apercevait de longs champs de blés qui se doraient jusqu’à une sorte de lande inculte, au bout de laquelle, derrière un bois, on distinguait les pointes aiguës des tourelles de Bas-le-Pré.

L’abbé se sentit battu une fois de plus. Il eut bien l’idée de faire intervenir l’évêque et de faire à Mme de Galandot un cas de conscience de son entêtement ; mais il se dit que tout cela servirait peu, car il se flattait d’avoir sur elle toute l’influence qu’on pouvait avoir, et que personne ne réussirait mieux que lui où il venait d’échouer. D’autant que Nicolas ne semblait aucunement désirer quoi que ce fût et qu’il paraissait parfaitement heureux.