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LA DOUBLE MAÎTRESSE

mais elle accomplissait ce devoir à contre-cœur, et Julie ressentit durement la mauvaise humeur de cette obligation. Sa vivacité turbulente heurta ses ailes à la sécheresse de sa tante qui, dès l’abord, la réprima sévèrement.

Certes il y avait loin de l’aimable maison du Fresnay, pleine de chansons et de clavecin, au morne séjour de Pont-aux-Belles. L’enfant s’en aperçut vite.

M. et Mme du Fresnay avaient tendrement choyé l’orpheline et la mignonne les adorait. Ils en raffolaient par retour et ils proposèrent même de garder complètement la fillette auprès d’eux, ce qui leur valut de Mme de Galandot une lettre fort rogue et un refus formel, tant est puissant dans les âmes le goût de la contradiction. La teneur du billet fut telle que M. et Mme du Fresnay durent laisser partir Julie sans l’espoir de l’aller visiter, même une fois, durant qu’elle serait à Pont-aux-Belles. Ce qui les chagrina au point que M. du Fresnay resta bien trois jours sans toucher violon ni flûte, et sa femme tout autant sans ouvrir son clavecin, ni battre ses crèmes et casser son sucre.

Le changement fut brusque pour Julie. Là-bas, elle se passait tout ; ici, on ne lui passa rien. Mme de Galandot fit peser sur elle son joug hautain et sans réplique. Elle gardait en elle, si l’on peut dire, de la sévérité inemployée. La docilité de Nicolas lui avait permis de s’assurer sur lui une domination facile sans qu’il fût besoin de faire montre d’aucune rigueur ; aussi, vis-à-vis de Julie,