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prélat. Un incident fit éclater ses ressentiments. Une femme de Québec, qui avait vendu de l’eau-de-vie, au mépris des règlements, avait été jetée en prison. Un jésuite vint intercéder pour elle et demander qu’on la relâchât ! « Soit ! répondit brusquement M. d’Avaugour, mais puisque ce n’est pas une faute punissable pour cette femme, elle ne le sera plus pour personne. Je ne veux pas être le jouet de ces contradictions. » (1662). Il tint parole et rien ne put l’engager à revenir sur sa décision. Une vive lutte s’ensuivit dans la colonie, les Jésuites soutenant leur chef, les prédicateurs tonnant dans les chaires, les confesseurs refusant l’absolution ; et d’autre part, les citoyens se rangeant autour du gouverneur, ne se troublant point des foudres du prélat, disant que « l’Église n’a point de pouvoir sur les affaires de cette nature », etc. Le prélat pensa en mourir de fureur : « On le voit sécher sur pied », écrivait la Mère de l’Incarnation.

La dispute ne pouvait se dénouer qu’en France, et les deux partis en appelèrent à la cour. M. d’Avaugour y envoya son secrétaire ; M. de Laval s’y rendit en personne. Grâce aux influences des jésuites si puissantes auprès de Louis XIV, c’était le prélat qui devait l’emporter. Le roi lui accorda la révocation de M. d’Avaugour et lui laissa même le choix de son successeur. M. de Laval, quand il était abbé de Montigny, s’était rencontré à Caen, dans une sorte d’ermitage, avec le chevalier de Mézy, ancien militaire qui, quoique laïque, faisait les exercices de la dévotion monastique et menait une vie de cénobite « afin de réparer les scandales de sa jeunesse[1] ». C’est ce M. de Mézy que

  1. Ferland. T. Ier, p. 447.