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à Colbert, sur l’état général de la Nouvelle-France et sur les réformes à introduire dans son administration, un rapport, qui est un monument de sagesse et de perspicacité économique. Il insistait surtout pour que le roi prît directement en mains les affaires de la colonie et retirât le monopole qu’il venait de concéder à la Compagnie des Indes-Occidentales :

« Si le roi, écrit-il, a regardé la Nouvelle-France comme un beau pays, dans lequel on peut former un grand royaume, je ne puis me persuader qu’il réussisse dans son dessein, laissant en d’autres mains que les siennes la seigneurie, la propriété des terres, et même le commerce, qui fait l’âme de l’établissement. Depuis que les agents de la Compagnie ont fait entendre qu’ils ne souffriront aucune liberté de commerce, non seulement aux François qui avoient coutume de passer en ce pays pour le transport des marchandises de France, mais encore aux propres habitants du Canada, jusqu’à leur disputer le droit de faire venir pour leur compte des denrées du royaume, tout le monde a été révolté. La Compagnie, par cette conduite, profitera beaucoup en dégraissant le pays : elle lui ôtera le moyen de se soutenir et fera un obstacle essentiel à son établissement, et, dans dix ans, il sera moins peuplé qu’il ne l’est aujourd’hui. »

Talon insistait donc pour qu’on donnât à la colonie la plus grande mesure possible de liberté commerciale : il vantait les productions du sol, qui pourraient fournir les Antilles et la France même de goudron, de résine, de farine, de poissons, d’huiles, etc. Il attirait son attention sur les mines de fer magnétique dont on venait de découvrir, à Gaspé, à la Baie Saint-Paul et près des Trois--