Page:Réveillaud - Histoire du Canada et des canadiens français, de la découverte jusqu'à nos jours, 1884.djvu/213

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furent profondément troublés ; les discussions avec les Anglais s’aigrirent, les esprits s’échauffèrent, la situation se tendit outre mesure, en attendant le fatal dénouement que nous raconterons plus loin.

Pour contrebalancer l’influence de cette nouvelle émigration anglaise et pour diminuer l’avantage que la supériorité si écrasante de leur nombre assurait aux colonies anglaises, il n’eût fallu rien moins que l’envoi au Canada de toute une armée de colons. C’est ce que comprit bien M. de la Galissonnière qui, depuis 1747, remplaçait M. de Beauharnais comme gouverneur du Canada. Le futur vainqueur de l’amiral Byng devant Minorque n’était pas seulement un marin distingué autant que vaillant ; c’était encore un homme d’un jugement sûr, fort instruit en toutes choses et particulièrement dans les sciences naturelles, un administrateur actif et clairvoyant. Il demanda au gouvernement d’établir dix mille paysans français au sud-ouest des grands lacs, et plus particulièrement dans le pays des Illinois, à moitié distance entre le Canada et la Louisiane, et de façon à offrir une forte barrière aux entreprises des Anglo-Américains, qui tendaient toujours à s’étendre au-delà de leur limite naturelle des monts Alleghanys. Heureux si ses conseils eussent été suivis ! mais la cour fit aussi peu de cas de ses adjurations qu’elle avait fait de celles de ses prédécesseurs. La France, qui avait toujours des soldats à sacrifier par milliers dans toutes ses guerres européennes, nées souvent de causes si futiles, n’avait jamais de cultivateurs à envoyer en Amérique où ils eussent trouvé,