Page:Réveillaud - Histoire du Canada et des canadiens français, de la découverte jusqu'à nos jours, 1884.djvu/251

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Quelque joie que la victoire de Carillon eût provoquée dans tout le Canada, et quelque gloire qu’elle fît rejaillir sur le front de Montcalm, celui-ci ne se faisait pas illusion sur l’avenir de cette guerre, et il ne pouvait cacher le découragement qui l’envahissait entre une administration coloniale scandaleusement faible ou concussionnaire et le gouvernement de la métropole qui lui refusait tout secours. Il demanda comme une grâce son rappel en France, mais ne put l’obtenir ; il ne restait plus qu’à se préparer, comme il l’avait écrit, à s’ensevelir sous les ruines de la colonie.

Tout faisait présager, en effet, l’issue funeste de cette lutte si disproportionnée. 3,000 hommes, sous le colonel Bradsteet, vinrent attaquer le fort Frontenac où on n’avait pu mettre qu’une garnison de 70 hommes : celle-ci pouvait-elle faire autrement que de se rendre après deux jours de résistance (27 août) ? De même, quand 6,000 Anglais, tant soldats que miliciens (ces derniers commandés par Washington) s’avancèrent contre le fort Duquesne, M. de Lignery qui le commandait, après avoir fait subir un échec assez rude à l’avant-garde de cette armée, — qui perdit en cette occasion 150 hommes, — devait-il, après cette victoire, et quand il ne pouvait plus disposer que de 300 hommes, entreprendre de résister à toute une armée ? Il fit tout ce qui était indiqué en cette occurrence, il évacua le fort, le réduisit en cendres, envoya son artillerie par la Belle-Rivière, au fort des Illinois, et se retira lui-même, avec sa garnison, au fort Machault. Le général Forbes donna le nom du ministre Pitt (Pittsburg) aux ruines qu’il occupa après notre départ[1].

  1. Dussieux, p. 200.