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d’établir sur le sol de la Guyane une puissante colonie, en y transplantant une population nationale et libre, capable de résister par elle-même aux attaques étrangères et de servir de boulevard aux lambeaux de possessions qui nous restaient encore en Amérique[1]. Sans ombre d’enquête sur les conditions climatériques d’un sol qui dévore ses habitants, sans même avoir pris les précautions les plus élémentaires pour recevoir et abriter les milliers de familles qu’on allait y déverser, le gouvernement français lança des agents d’émigration dans toutes les directions, mais principalement dans les villages de l’Alsace, de la Lorraine et du Palatinat. Nous avons retrouvé, au ministère de la marine, le texte de l’appel qu’on répandit dans ces provinces et qu’accompagnait une carte de la Guyane. Ce curieux document disait :

« Les Européens qui passent dans ce beau pays[2] qui donne deux récoltes par an, y obtiennent un terrain en propriété, en arrivant. Ils y sont nourris, logés, bien habillés et fournis de tout ce qui leur est nécessaire pour eux, leurs femmes et leurs enfants, pendant deux ans et demi, et on leur donne tous les outils dont ils ont besoin pour la culture des terres et pour différents métiers, ainsi que tous les secours nécessaires en cas de maladie. On ne leur demande aucun droit ni impôt et on ne les inquiète point sur leurs croyances. On leur paye leur voyage pour se rendre jusqu’à Rochefort, d’où on les transporte
  1. Voir Histoire philosophique des Deux-Indes, par Raynal. Tome III de l’édit. de 1780. Suivant cet auteur, la population totale de la Guyane française ne s’élevait pas, vers cette époque, à plus de 90 familles françaises, 125 Indiens et 1, 500 noirs.
  2. C’est nous qui soulignons.