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et puis Cartier n’avait pas rapporté la moindre pépite d’or ! et c’était là surtout, ce qu’attendaient les courtisans, à l’heure où la découverte des mines du Pérou et la légende de l’Eldorado faisaient tourner toutes les têtes.

Le temps était d’ailleurs peu propice à des entreprises de colonisation. L’aurore sanglante des persécutions religieuses avait commencé à se lever sur la France. En dépit de ses sentiments humains et des suggestions de sa sœur, la tendre Marguerite de Valois, François Ier s’était laissé arracher par les Beda et les autres fanatiques de Sorbonne, des décrets liberticides contre les « luthériens », ainsi qu’on appelait alors tous les adhérents de la Réforme. Les échafauds et les bûchers se dressaient dans toutes les villes du royaume, arrosés du sang des plus généreux martyrs. Les esprits au dedans étaient profondément troublés comme aux approches d’une guerre civile ; et, au dehors, Charles-Quint, profitant de ces troubles, attaquait la France de deux côtés, par l’Espagne et par les Flandres. Avant de songer aux conquêtes lointaines, il fallait commencer par défendre le sol de la patrie.

Dès l’année suivante cependant, les succès de nos troupes amenèrent une trêve (trêve de Nice, 1538) qui fut signée pour dix ans, mais devait être rompue avant la fin de la troisième année. Cet intervalle de paix permit de reprendre les projets de colonisation. Cartier fut renvoyé une troisième fois vers les Terres Neuves (1541) ; mais cette fois le vaillant Malouin devait être sous les ordres d’un gentilhomme picard, François de la Roque, seigneur de Roberval, qui avait su gagner les faveurs de la cour et s’était fait nommer « vice-roi »