Page:Réveillaud - Histoire du Canada et des canadiens français, de la découverte jusqu'à nos jours, 1884.djvu/295

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leur avait jamais vue. » Les Canadiens réclamaient surtout et avec instance qu’on leur rendît leurs anciennes lois. Ils ne comprenaient rien, disaient-ils, au chaos de la législation anglaise, et d’autant moins que les procès étaient plaidés dans la langue anglaise qu’ils n’entendaient pas. L’institution même du jury en matière criminelle, une loi excellente cependant, et que notre Assemblée nationale devait, un peu plus tard, emprunter à l’Angleterre, soulevait une opposition unanime dans le pays, « la noblesse se trouvant humiliée d’être jugée par des vilains, et ces derniers disant qu’il était injuste qu’on les dérangeât de leurs occupations, sans leur donner aucune indemnité pécuniaire[1]. »

Pour conjurer l’orage et apaiser un peu les esprits, le général Murray rendit une ordonnance qui autorisait l’usage des lois françaises dans les causes relatives à la propriété foncière. Mais dans cette voie des concessions où son caractère naturellement équitable et bienveillant le portait à entrer, Murray allait rencontrer une formidable opposition de la part de son entourage, composé d’Anglais soupçonneux, exclusifs et d’une honorabilité fort suspecte, à en croire le témoignage de Murray lui-même. « Une nuée d’aventuriers, d’intrigants, de valets, s’était, en effet, abattue sur le Canada, à la suite des troupes anglaises et après la capitulation de Montréal[2]. Des cabaretiers, des marchands d’une réputation véreuse, composaient la classe la plus nombreuse de ces nouveaux venus. Les hommes probes et honorables formaient l’exception. » « Il

  1. Debates and proceedings of the British House of Commons, from january to the 1rst october 1774.
  2. Dépêches de Murray, citées par Garneau.