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Parmi les mesures que consacra ce Conseil de tyrannie, dans sa session de 1777, les plus importantes avaient rapport à l’administration judiciaire et à la levée des milices. Sur ce dernier point surtout, les ordonnances du Conseil renfermaient des dispositions extrêmement dures. Tous les habitants, à partir d’un certain âge, furent astreints à un service militaire rigoureux ; ils pouvaient être contraints de porter les armes hors de leur pays pendant un temps indéfini, et ceux qui étaient laissés dans leurs foyers étaient tenus de cultiver les champs de leurs voisins levés pour l’armée. Les Canadiens protestèrent, mais faiblement. Leur situation mal définie, la crainte des maîtres dont ils avaient perdu l’occasion de secouer le joug, paralysait leur voix et ôtait toute force à leurs protestations.

Au surplus, ce n’était encore là que le commencement des abus. Le gouverneur Carleton ayant demandé et obtenu son rappel, fut remplacé par un vieux militaire d’origine suisse, Haldimand, sorte de lansquenet impérieux et fantasque, excellent peut-être pour le commandement d’un camp, mais aussi mal préparé que possible, par son caractère et par ses façons, au gouvernement d’un peuple habitué à un régime légal. Entouré de provinces en révolution, il crut qu’il ne pourrait maintenir l’obéissance que par une rigueur inflexible. Les corvées redoublèrent et devinrent un vrai fléau pour les campagnes. Des plaintes s’élevèrent. Haldimand, les attribuant à l’esprit de révolte et aux menées des émissaires américains, n’en sévit qu’avec plus de rigueur, faisant emprisonner les citoyens par centaines, sans distinguer souvent entre l’innocent et le coupable.

Le secret des lettres était violé ; sur le soupçon le