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courtisans, traitants ou missionnaires, — qui considéraient la colonie comme leur chose propre et subordonnaient l’intérêt général à leurs visées particulières.

Durant un séjour de quelques mois en France, pendant l’année 1614, Champlain s’était employé, sous les auspices du prince de Condé, à constituer une nouvelle société pour l’exploitation du Canada ; les marchands de Saint-Malo, de Dieppe et de La Rochelle devaient s’en partager les actions ; mais ceux de La Rochelle temporisèrent si longtemps pour s’engager, qu’on se passa d’eux. Cette société, constituée pour onze années, devait faire passer au Canada des artisans et des laboureurs, outre quelques récollets pour la « conversion des infidèles » et « l’exaltation » de la foi catholique. À peine arrivés, ceux-ci s’immiscaient déjà dans la conduite des affaires et y apportaient leur étroit esprit monacal. « Dans la vue d’obtenir que la mère-patrie apportât quelque remède aux maux qu’ils avaient constatés, ils engagèrent Champlain à tenir un conseil auquel ils assistèrent avec six des habitants les mieux intentionnés et les plus intelligents. Dans cette assemblée il fut conclu qu’on n’avancerait rien si l’on ne fortifiait la colonie en augmentant le nombre des habitants, et si l’on n’obtenait que la liberté de la traite fût indifféremment permise aux Français et qu’à l’avenir les huguenots en fussent seuls exclus[1]. » C’était un essai de révocation de l’édit de Nantes en Amérique. Ce conseil manifestait encore son esprit en demandant la fondation d’un séminaire et en insistant pour qu’on

  1. L’abbé Ferland. Cours d’histoire du Canada. T. Ier, p. 179.