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mort de la femme d’ambroise.

à témoin de ses promesses. Le sens commun nous apprend cela, disait Ambroise. Son procureur sourit dédaigneusement à toutes ces belles raisons tirées du droit naturel et de l’esprit des lois de tous les autres peuples de la terre. — Il est bien question de sens commun, lui dit-il ; nous sommes en France, Monsieur, et c’est sur les lois françaises que vous serez jugé. Or les lois exigent que notre mariage soit célébré en face de l’église, sous peine de nullité ; et c’est ce que vous n’avez pas fait[1].

— Hé ! comment pouvais-je le faire, dit Ambroise, si le prêtre ne peut pas administrer ce sacrement aux hérétiques ? M. le curé ne m’aurait pas marié.

— Vous n’aviez qu’à embrasser notre religion.

— Mais cela ne m’est pas possible, puisque je n’y crois pas ; et vous n’entendez pas sans doute que j’eusse dû faire un acte d’hypocrisie et de profanation ?

— Non, car je vous mépriserais.

— Que fallait-il donc que je fisse ?

— Il fallait ne pas vous marier.

— Je suppose que cela me fût possible ; comment voulez-vous que douze cent mille garçons et douze cent mille filles gardent le célibat ? Fi donc, monsieur : vous avez là une morale perverse, et

  1. Déclaration du roi, 13 décembre 1698, art. VII. Du 14 mai 1724, art. XV.