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le vieux cévenol.

on sût raisonner de cette force-là. De conséquences en conséquences, on en vint à regretter amèrement les belles choses que Louvois et le père La Chaise avaient exécutées et dont la mémoire serait éternellement en bénédiction. Ambroise, ne pouvant plus y tenir, avait disparu ; et la compagnie continua à s’occuper des projets que chacun mettait sur le tapis. Le vieillard, qui rayonnait de gloire et de vin, proposait des moyens, tous plus ingénieux et plus pacifiques les uns que les autres, de ramener les mécréants. Il parlait avec tant d’enthousiasme des massacres qui avaient été faits en Irlande, en Bohème, en Piémont, en Calabre ; des bûchers qui avaient été allumés pendant plus de cent ans, des gibets, des roues, des tortures et des galères, que toute la table en était émue. On convint que les temps présents étaient des temps de mollesse, où l’on ne se soucie plus du bien. On traita avec le mépris qui lui est dû cette paisible politique qui tolère les opinions innocentes qu’il n’est pas en son pouvoir de changer ; mais tout en louant les persécutions, on n’y voyait qu’une petite difficulté : c’est qu’il faudrait approuver la conduite des Nérons, des Décius, des Juliens. Le vieillard leva fort aisément cette difficulté en disant que les Romains n’avaient pas le droit de persécuter, parce qu’ils étaient dans l’erreur ; mais que les Français l’ont, parce qu’ils tiennent la vérité. On fut enchanté de cette solution sans réplique, et l’on se retira.