Page:Rabelais - Gargantua, Juste, Lyon, 1535.djvu/135

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tat souper. Les pelerins ainsi devorez se retirèrent hors les meulles de ses dentz le mieulx que faire peurent, & pensoient qu’on les eust mys en quelque basse fousse des prisons. Et lors que Gargantua beut le grand traict, cydèrent noyer en sa bouche, et le torrent du vin presque les emporta on gouffre de son estomach, toutesfoys saultans avecq leurs bourdons comme font les micquelotz se mirent en franchise l’orée des dentz. Mais par malheur l’un d’eulx tastant avecques son bourdon le pays à sçavoir s’ils estoient en seureté, frappa rudement en la faulte d’une dentz creuze, & ferut le nerf de la mandibule, dont feit tresforte douleur à Gargantua & commencza à crier de rage qu’il enduroit. Pour doncques le soulaiger du mal feist aporter son cure dentz, & sortant vers le noyer grollier vous denigea bien messieurs les pelerins. Car il atrapoit l’un par les iambes, l’aultre par les espaules, l’aultre par la bezace, l’aultre par la foillouze, l’aultre par l’escharpe, & le pouvre hayre qui l’avoit feru du bourdon le accrochea par la braguette. Toutesfoys ce luy feut un grand heur, car il luy percea une bosse chancreuze, qui le martyrizoit depuis le temps qu’ilz eurent passé Ancenys. Ainsi les pelerins denigez s’en fuyrent à travers la plante le beau trot, et appaisa la douleur. En laquelle heure