Page:Rabelais - Gargantua, Juste, Lyon, 1535.djvu/143

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me le marchant. Ce est la cause pourquoy de tous sont huez, et abhorrys. Voyre mais (dist Grangouzier) ilz prient dieu pour nous. Rien moins (dit Gargantua). Vray est qu’ilz molestent tout leur voisinage à force de trinqueballer leurs cloches. (Voyre dist le Moyne, une messe, une matines, une vespres bien sonneez, sont à demy dictes) Ilz marmonnent grand renfort de legendes & pseaulmes nullement par eulx entenduz. Ilz content force patenostres entrelardées de longs Avemariaz, sans y penser ny entendre. Et ce ie appelle mocquedieu non oraison. Mais ainsi leurs ayde dieu s’ilz prient pour nous, et non par peur de perdre leurs miches et souppes graces. Tous vrays Christians, de tous estatz en tous lieux en tous temps prient dieu, & l’esperit prie & interpelle pour iceulx : & dieu les prent en grace. Maintenant tel n’est nostre bon frère Iean. Pourtant chascun le soubhayte en sa compaignie. Il n’est poinct bigot, il n’est poinct dessiré, il est honneste, ioyeux, deliberé, bon compaignon. Il travaille, il labeure, il defend les opprimez, il conforte les affligez, il subvient es souffreteux, il garde le clous de l’abbaye. Ie foys (dist le moyne) bien dadventaige. Car en despeschant noz matines & anniversaires on cueur, ensemble ie fois des chordes d’arbaleste, ie polys des matraz & guarrotz, ie foys