Page:Rabelais - Gargantua, Juste, Lyon, 1535.djvu/197

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Vignette 197
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Oute leur vie estoit employé non par loix, statuz ou reigles, mais scelon leur vouloir & franc arbitre. Se levoient du lict quand bon leur sembloit : beuvoient, mangeoient, travailloient, dormoient quand le desir leurs venoit. Nul ne les esveilloit, nul ne les parforceoyt ny à boyre, ny à manger, ny à faire chose aultre quelconques. Ainsi l’avoit estably Gargantua. En leur reigle n’estoit que ceste clause. FAICTZ CE QUE VOULDRAS. Par ce qie gens libères, bien enz, & bien instruictz, conversans en compagnies honestes ont par nature un instinct & aguillon : qui touisours les pousse à faictz vertueux, & retire de vice : lequel ilz nommoient honneur. Iceulx quand par ville subiection & contraincte sont deprimez & asserviz : de tournent la noble affection par laquelle à vertuz franchement tendoient, à deposer & enfraindre ce ioug de servitude. Car nous entreprenons tousiours choses defendues : & convoytons ce que nous est denié. Par ceste liberté entrèrent en louable emulation de faire tous, ce que à un seul voyèrent plaire. Si quelqu’un ou quelcune disoyt, Beuvons, tous beuvoient. Si disoit, iouons tous iouoient. Si disoit, allons à l’esbat es champs, tous y alloyent. Si c’estoit pour voller ou chas-