Page:Rabelais - Pantagruel, ca 1530.djvu/106

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vinaigre, au diable l’ung qui se faignoit, c’estoit triumphe de les veoir bauffrer. Lors dist Pantagruel, pleut à dieu que chascun, de vous eussent deux paires de sonnettes de sacre au menton, et que ie eusse au mien les grosses horologes de Renes, de Poictiers, de Tours, et de Cambray, pour veoir l’aubade que nous donnerions au remuement de noz badigoinces. Mais, dist Panurge, il vault mieulx penser de nostre affaire ung peu, et par quel moyen nous pourrons venir au dessus de noz ennemys. C’est bien advisé, dist Pantagruel. Et pourtant demanda à leur prisonnier. Mon amy, dys nous icy la verité et ne nous mens en riens, si tu ne veulz estre escorché tout vif : car c’est moy qui mange les petitz enfans. Contes nous entierement l’ordre, le nombre, et la forteresse de l’armée. A quoy respondit le prisonnier. Seigneur sachez pour la verité qu’en l’armée y a troys cens geans tous armez de pierre de taille grans à merveilles, toutesfoys non tant du tout que vous, excepté ung qui est leur chef, et a nom Loupgarou, et est tout armé d’enclumes Cyclopicques. Il y a cent soixante et troys mille pietons tout armez de peaulx de lutins, gens fors et courageux : troys mille quatre cens homme d’armes, troys mille six cens doubles canons, et d’espingarderie sans nombre : quatre vingt quatorze mille pionniers : quatre cens cinquante mille putains belles comme deesses (voylà pour moy dist Panurge) dont les aulcunes sont Amazones, les autres Lyonneses, les aultres Parisiennes, Tourangelles, Angevines, Poictevines, Normandes, Allemandes, de tous pays et toutes langues y en a. Voire mais (dist Pantagruel) le roy y est il ? Ouy seigneur, dist le prisonnier, il y est en personne : et nous